Visite de Mankel

Quelques coups résonnèrent à la porte du salon et peu après entra Mankel. Il regarda Joshin avec étonnement, il ne la connaissait qu'en temps que soldat après tout, puis sourit. Tant mieux, il n'était pas venu parler à son Capitaine Royal mais à Dame Joshin. Celle-ci semblait l'avoir bien compris.
Lui aussi avait abandonné son statut de Faucon. Sans l'uniforme, il redevenait le vagabond d'autrefois, venu de loin et n'allant vraisemblablement nulle part.
Bonjour Joshin, doucement, merci de me recevoir.
Là encore, il se surprit, il ne s'adressait naturellement pas à elle comme d'habitude.
Il referma derrière lui et s'avança.

Il prit place face a elle, sans s'appuyer sur le dossier de la chaise comme s'il se préparait à se lever et fuir à tout instant.
Effectivement, c'est quelque chose qui concerne les Riveroy.
Si elle était au fait des milieux diplomatiques, cela n'était assurément pas son cas, il était évident que ce sujet lui était douloureux.
Avec lenteur, il lui présenta son poing ganté de cuir et l'ouvrit avec précaution.
Un médaillon se tient au creux de sa paume. La chaîne est doré, mais au milieu blanc et grenat se trouve le blason des Riveroy.
Je ne crois pas me tromper sur son origine en venant ici. Mais peut être le contredirez vous ?
Son but semble s'être affermi et il semble mieux se maîtriser à présent.

Autant il avait paru à l'aise lorsqu'il était entré, autant tout d'un coup il avait l'air presque effrayé. Il s'assit et sans attendre, lui montra au creux de sa main un médaillon:

Citation :

Je ne crois pas me tromper sur son origine en venant ici. Mais peut être le contredirez vous ?

Joshin prit le médaillon, et l'examina soigneusement. En réalité, point n'était besoin d'une grande attention: c'était à n'en pas douter le blason des Riveroy. Elle prenait tout son temps pour mieux réfléchir à sa réponse:

- Il ne saurait être question que je le contredise, Mankel. A l'évidence, c'est le blason de ma famille.

Elle comprenait un peu mieux maintenant son attitude. Avait-il craint qu'elle nie ? C'était bien mal la connaître... Quoiqu'il en soit, une question s'imposait:

- Dites m'en plus sur ce médaillon. D'où le tenez-vous?

Evidemment, tout cela suscitait des questions et Joshin ne mit que quelques instants à poser la première d'entre elle.

Citation :

D'où le tenez-vous?

Il l'observa, pour voir comment elle le regardait, mais il n'y décela rien que de l'intérêt. Bien sûr, elle était bien plus fine politicienne qu'il ne le soupçonnait, son point de vue lui appartenait et elle le masquait fort bien.
Peut être même déjà le soupçonnait elle de vol qu'il n'aurait su l'apercevoir.
Que pouvait il dire d'autre sinon lui raconter la vérité ? Et comment éviter de tout lui dire ? Car il doutait que la fin de l'histoire plaise à son Capitaine Royal.

- En fait, je l'ai toujours connu. Il appartenait à ma mère qui l'avait reçu de son père.
Il laissa quelques instants s'écouler avant de reprendre.

- Lorsque je suis arrivé à l'Ost, je n'ai jamais donné mon nom et personne ne me l'a demandé depuis. Je n'ai rien dit, je préférais le taire.
Je suis Mankel Von Helborg, né de l'ignominé Kurt Von Helborg et d'Elena Bankönig, mais en français nous dirions Hélène de Riveroy je suppose. Bankönig n'est que la traduction germanique de ce nom. Il observa un peu Joshin et continua.

- Je ne suis venu que pour vous remettre ce médaillon. Il appartient aux Riveroy.
Il se releva, prenant apparement congé de Joshin

Après quelques secondes passées debout un peu rigide, Mankel se rassis. Joshin ne semblait pas vouloir en rester là.

- D'une certaine manière, j'y tiens énormément. Mais en même temps, j'aimerai être capable de jeter cela dans une rivière et tout oublier.

Décidement, parler de cela était dangereux, encore un peu et il se verrait obliger de dire l'ensemble de l'histoire.

- Si vous le souhaitez, je vous aiderai autant que possible concernant la généalogie bien entendu. Il hocha la tête en signe d'approbation. Encore que je ne dispose que de peu d'information finalement.

Il réfléchit ensuite longuement à ce que demandait Joshin.

- Je ne pense pas qu'on puisse affirmer que j'ai été un bon membre de ma précédente famille. Je m'étais fait à l'idée qu'avec ou sans la vie est la même.

Lorsque Kalwynn se présenta, Mankel se leva pour l'accueillir et le salua.
Une fois que Joshin eût fait le récit de leurs conversation, c'est un oeil curieux et attentif que le jeune homme sentit se poser sur lui.
Il était évident que Kalwynn le détaillait, le faucon devait lui apparaître bien autrement que d'habitude à présent.
Je suis malheureusement le portrait de mon père, répondit-il à la question muette de Kalwynn. Il se garda de dire que c'était là peut être sa pénitence que de le revoir dans chacun de ses reflets. Sans attendre il passa à la suite.

Alors concernant les détails. J'ai aujourd'hui 23 ans. Elena, ma mère, m'eût plus jeune que je ne le suis, elle aurait eu 40 ans.
Je ne sais quel âge avait son propre père, mais elle m'a toujours dit qu'il avait beaucoup voyagé. Marchand, il s'établit à Mainz sur les rives du Rhin, négociant bière, bois, et céréales vers les villes du nord et en rapportant vins, fourrures, et épices.
Il se nommait Harlan, mais là encore il s'agit peut être d'une traduction. Peut être existe il dans votre généalogie en tant qu'Arlan.
Il réfléchit un instant.
Il devait avoir 25 ans et, si mon calcul est bon, il serait né il y a quelque 65 années peut être un peu plus.

Ils avaient écouté attentivement les explications de Mankel, et lorsqu'il eut terminé, Joshin se leva, et s'approcha d'un coffre situé près de la fenêtre.
Elle en retira un parchemin qu'elle apporta sur la table.

- Voici la généalogie de la famille de Riveroy:

Citation :

* Prime génération

Feu Arsios de Rivesroy* (°1350 †1396)
= épouse feue Lorraine des Montcartiers* (°1354 †1397)



* Seconde génération

De l'union légitime d’Arsios et de Lorraine

1.1 Feu Charles de Rivesroy* (°1380 †1433)
= épouse feue Marianne de Bellechasse* (°1385 †1431)

1. 2. Feu Théodora de Rivesroy* (°1383 †1420)
= époux feu Philippe de Castelbois* (°1374 †1426)

1.3. Feu Tristan de Rivesroy*, (°1384 †1423),
= épouse feue Alnia Francassé (°1389†1438)



* Tierce génération

De l'union légitime de Charles et de Marianne

1.1.2 Feue Surella de Rivesroy, (°1418 †1456) .
= époux feu Richard d’Arcos* (°1415 †1455)
Baptisé.

1.1.3 Feu Arfast de Rivesroy, (°1428 †1459), Seigneur du Rouvray (ennobli par Dame Justine d’Alesme, Baronne d’Illiers et Dame de Montperthuis).
Baptisé par le curé Casim le 16 décembre 1455 en l’église Sainct-André de Patay.
= épouse Joshin de Montserrat (°1437 †) - Baptisée le 14 janvier 1457 en la Chapelle Sainte-Victoire par l’aumônier-vidame Kevindesflandres-
Mariage célébré par le Père Thalor Phlippe de Rivesroy en l’église Sainct-André de Patay le 14 février 1457.

1.1.4 FeuThalor de Rivesroy, (°1430 †1459) curé de Patay
Baptisé par le Père Grimberdine le 6 décembre 1455 en la collégiale Sainte-Mexme de Chinon.

De l'union légitime de Tristan et Alnia

1.3.1 Feu Tancrède de Rivesroy, (°1405 †1430) .
= compagne feue Pauline Ombremer* (°1414 †1459)



* Quarte génération

De l'union légitime de Surella et de Richard

1.1.2.1 Feu Jessheim de Rivesroy (°1436 †1456)
1.1.2.2 Feu Atolchamb de Rivesroy (°1442 †)
Bâptisé le 31 juillet 1458 par le diacre Lexhor d'Amahir en la Chapelle Saint- Nicolas
1.1.2.3 Clesa de Rivesroy (°1443 †)

De l'union légitime d’Arfast et de Joshin.

1.1.3.1 François Charles de Rivesroy (°1457 †),
Bâptisé le 20 septembre 1457 par le Rosa_da_Bari en la Chapelle Saint Ânani Mhour,

1.1.3.2 Anne de Rivesroy (°1457 †),
[url=XXXl]Bâptisée[/url] le XXX par XXX en XXX,

De l'union de Tancrède et Pauline

1.3.1.1 Kalwynn Ombremer de Rivesroy (°1430 †).
Baptisé par l'aumônier Filibert le 17 mai 1459 en la Chapelle Sainte-Victoire.

Comme vous le voyez, nous n'avons pas d'indications sur Théodora de Riveroy. A voir les dates, peut-être pourrait-elle être votre grand'mère...

Elle se tut, laissant le jeune homme examiner le parchemin.

Mankel avait longuement observé le parchemin retraçant la généalogie des Riveroy, et par là même, brièvement, la vie de cette famille. Joshin avait l'impression que peu à peu le jeune soldat se détendait un peu, et il se permit même un petit rire.
Lorsqu'il lui demanda s'il y avait un portrait de Théodora, à son tour, elle se mit à rire:

- Hélàs non, Mankel, je n'ai rien concernant cette personne. Vous savez, le peu d'informations que j'ai sur cette famille me viennent de mon défunt époux. Comme vous pouvez le vérifier sur ce document, il a perdu ses parents alors qu'il était tout jeune, et je dois dire que celà a profondément marqué sa vie et son caractère...

Elle se tut un instant, se souvenant avec émotion de l'amour qu'Arfast portait à sa famille, et aussi de leurs rêves pour voir celle-ci s'agrandir. Le sort en avait décidé autrement et ils n'avaient eu que deux enfants.

- Il m'a surtout parlé de sa soeur Surella, à laquelle l'unissait une profonde affection. Je regrette vraiment de ne rien pouvoir vous dire de plus sur cette dame.
Cependant, la possession de ce médaillon me semble être quand même une sorte de preuve, ne pensez-vous pas?

Elle ne rajouta pas qu'il lui semblait bien qu'il y avait d'autres parchemins dans la chambre des archives, qu'elle n'avait pas encore consultés. Peut-être y avait-il des informations importantes, peut-être pas. Elle ne voulait pas donner de faux espoirs à Mankel. De plus, pour elle, le médaillon lui semblait une preuve suffisante. Ou bien alors, était-ce qu'elle souhaitait tellement voir sa famille s'agrandir? Elle n'aurait su le dire.

Citation :

Cependant, la possession de ce médaillon me semble être quand même une sorte de preuve, ne pensez-vous pas?

- Ce n'est pas à moi d'en juger, il les observa tour à tour, mais aux Riveroy. A vous deux.

J'aurai aimé avoir l'avis d'Atolchamb, et je regrette d'avoir attendu. J'avais peur, j'avais honte aussi et ce fut trop tard, enchaîna t'il.
Il était hésitant, mais franc, leur capitaine était parti trop vite. Mankel se souvint avoir observé le jour de l'enterrement les armes des Riveroy sur le cercueil, cruelle ironie que de perdre un hypothétique parent qu'on était venu de si loin chercher.

- Au final, j'ignore un peu le but de ma visite, je voulais simplement en parler et ne plus attendre. peut être me laisserez vous servir au besoin votre famille ?

Elle le regarda, horrifiée. Elle avait bien senti, à un ton de voix qui se durcissait, à un assombrissement de son regard, à une tension involontaire mais notable de son corps lorsqu'il parlait de sa famille, que tout n'avait sans doute pas été simple pour lui par le passé. Elle gardait surtout en mémoire ce qu'il avait dit dès son arrivée:

Citation :

né de l'ignominé Kurt Von Helborg

Mais de là à imaginer celà...

Elle garda le silence un moment, et comme souvent lorsqu'elle était soucieuse, lissa machinalement sa jupe du plat de sa main. Elle se souvint de son père, de l'amour qu'il lui portait, de ses jeux avec lui lorsqu'elle était enfant, des longues après-midi ensoleillées où il l'emmenait sur la plage et lui apprenait à nager dans l'eau limpide de la Méditerranée, et aussi bien sûr, comment aurait-il pu en être autrement? de la douceur du foyer où elle avait grandi et de l'amour qui unissait ses parents et qui, d'une certaine manière, lui avait servi de repère lorsqu'elle était devenue adulte. Pour tout celà sans doute, il lui était difficile de comprendre ce que disait Mankel, et au-delà de l'acte lui-même, l'aveu tranquille qu'il avait fait de ne rien regretter.
Elle se redressa, jeta un coup d'oeil à Kalwynn qui semblait pétrifié sur son inconfortable fauteuil, et se décida à répondre:

- Vous le comprenez sans peine, Mankel, ce que vous venez de dire est...

Comment pourrait-elle qualifier celà? Tant de mots lui venaient à l'esprit, mais aucun de vraiment approprié, aucun qui traduise la confusion de ses pensées:

- Inattendu, pour le moins.

Elle se serait giflée d'avoir prononcé une telle ineptie, mais c'était dit, et elle ne pouvait rattraper ses paroles.

- Vous nous faites cet aveu terrible, vous dites n'avoir aucun remords, et il semble qu'à cet instant, votre seule préoccupation concerne l'Ost. Mais vous avez conscience que nous ne pouvons faire comme si vous n'aviez rien dit, et passer simplement à autre chose?

Un autre regard rapide à Kalwynn, elle espérait qu'il serait d'accord avec elle sur ce qu'elle allait dire:

- Vous avez fui, ce qui veut dire sans doute que personne n'est au courant, ou bien, qu'à tout le moins, personne ne vous a jugé pour ce crime. Ici, ce n'est pas un tribunal, Mankel, et Kalwynn et moi vous avons dit que nous vous acceptions pour un membre à part entière de cette famille. Aussi, nous nous garderons de juger, mais nous vous demandons de nous expliquer ce qui s'est passé.

Sans nul doute, quelque chose d'effroyable. Le jeune soldat blond se tenait devant eux, et elle pensa brièvement qu'on ne connait jamais vraiment personne. Comment aurait-elle pu se douter, en le voyant participer à la vie de la caserne, qu'il avait ce lourd secret? Même si certaines choses avaient pu l'étonner, comme par exemple son refus quasi pathologique de venir en taverne, mais qu'elle n'avait pas approfondies, car celà ne la regardait pas vraiment.